Edouard ELIET

Les Langues Spontanées
dites Commerciales
du Congo

avec le concours de
Sylvère S. DISSAK-DELON
Félix NKOUKA              Henriette MVANGUI

Le MONOKOTUBA comparé au LINGALA
et au LARI de la Région du Pool

Editions VICTOR SIMARRO
BRAZZAVILLE

IMPRIMERIE CENTRALE D'AFRIQUE BRAZZAVILLE ——— 1953 ———


Table des matières


Préface

Nous avons dû lutter pendant deux ans avant de convaincre notre entourage de l'utilité d'un manuel de MONOKOTUBA [kituba]. La plupart de ceux qui, dans cette région du Pool, notamment, ont quelques notions linguistiques, nous répondaient : « Le monokotuba est un patois ! » ou encore « Si personne ne s'en est jamais occupé c'est que ça n'en vaut pas la peine... »

A l'étude, on s'apercevra que ce « patois » est une langue au même titre que le lingala auquel nous l'avons comparé tout au long d'une grammaire aussi complète que possible.

[...]


L'origine d'une langue

« Les docteurs Nicolas et Voulgre ont donné des vocabulaires et quelques notes grammaticales concernant le Fiotte (ou Kivili) qui est devenu, en subissant des simplifications et quelques adjonctions, une langue passe-partout, un sabir, qui se comprend de la côte à Brazzaville ».

C'est ainsi que s'exprime Georges Bruel dans sa brochure : « L'inventaire scientifique et économique du Moyen-Niari » (1).
(1) Publié par le Comité de l'Afrique Française - 1925

A. Facteurs geographiques et linguistiques

Dans la partie comprise entre Brazzaville et la mer, partie qui s'étend du Congo Portugais au Nord du bassin du Niari, nous nous trouvons devant une demi-douzaine de langues qui présentent entre elles des caractères communs. Il s'agit du :

  1. KISICONGO-KISORONGO [kisolongo] de Boma et de Banana, qui ont une vaste extension ;
  2. KIKONGO, parlé au Nord Est de la précédente langue, par les Basundi et les Bawende jusqu'a lÉst du Stanley-Pool [Pool Malebo] ;
  3. KAKONGO ou dialecte de Kabinda ;
  4. KIYOMBE parlé notamment dans la boucle du Kwilu-Niari ;
  5. KIVILI (ou FYOTTE) en usage dans le cours inférieur du Kwilu-Niari, sur la côte Cilongo jusqu'au Nord Est du cours moyen de la Nyanga ;
  6. KILUMBO (kilumbu) qui part de la Nyanga et s'étend jusqu'aux environs du bassin de l'Ogowé.

Vers la côte de Loango se pressent, sur 400 kilomètres de profondeur, sept peuplades relativement dissemblables : BAVILI, BAKAMBA, BASUNDI, BAKONGO, BALALI, BATEKE.

B. Facteurs historiques

Les missionnaires portugais se sont établis en 1490 à San Salvador [Mbanza Kongo], centre du Royaume du Congo. Ce n'est, en revanche, qu'en 1877 que Stanley atteignit Boma à l'embouchure du Congo. Et, entre 1879 rt 1884, nous voyons se profiler les grands voyages de Savorgnan de Brazza.

Rappelons qu'entre 1842 et 1862 divers traités avaient été conclus par la France avec les chefs côtiers entre le Gabon et l'estuaire nord du Congo.

Toutefois, la pénétration belge et française vers le bassin inférieur du Congo se réalisa respectivement ; par l'Est pur les Belges, par le Nord-Ouest pour les Français.

Ajoutons que les missionnaires catholiques belges et français établirent leurs premières stations dans le Nord et le Nord-Est des régions du Haut-Congo où une langue d'échange, le Lingala, s'était déjà créée grâce au caractère spécifiquement commercial des populations riveraines.

***

Avant de passer à l'analyse critique des éléments linguistiques du Monokotuba, nous voulons retracer les étapes de nos recherches.

Comparant le vocabulaire Monokotuba avec le Lari et le Lingala, nous fûmes frappés par le caractère de compromis de la langue auxiliaire étudiée.

Nous avions tout d'abord pensé que les éléments lingala auxquels Monseigneur Augouard [1852-1921] avait ouvert la voie du Moyen-Congo lorsqui'il descendit du haut-fleuve vers le Stanley-Pool sur les traces de Savorgnan de Brazza, avaient dû créer, au contact des Balali, une idiome moyen permettant des échanges.

Nous avons eu la chance de toucher deux vieux Africains résidant à Poto-Poto qui sont des contemporaines de Monseigneur Augouard et aussi ses anciens compagnons de voyage. Ils nous ont dit qu'ils avaient trouvé à l'époque une langue, le Monokotuba, déjà en usage et qui, d'après eux, venait du Sud-Ouest via Manyanga.

Le fait que l'on rencontre dans le Monokotuba une forte proportion de mots lingala, inconnus des idiomes de l'Ouest, nous a alors incité à pousser nos recherches au-delà de Manyanga et nous avons enfin pu verifier que notre hypothèse première nous avait conduit aux sources du langage nouveau avec une erreur relative concernant l'influence prépondérante que nous avions attribuée au Lari.

Le Kikongo de l'Etat au Congo Belge

Nous trouvons au Congo Belge une langue auxiliaire extrêmement proche de notre Monokotuba, langue qui obéit aux mêmes règles grammaticales simplifiées et déjà rencontrées dans le Lingala. Cette langue a reçu officiellement le nom de Kikongo de l'Etat [Kikongo ya leta].

Comment s'est-elle formée ? Voici ce que l'on nous a dit : lors de l'installation des Belges, un grand nombre d'enfants orphelins des régions du fleuve où le Lingala est en usage, furent amenés à Boma, alors capitale de l'Etat indépendant du Congo, afin d'y recevoir l'instruction necessaire aux premiers commis d'administration. Notons qu'auparavant les Bangala n'avaient pas dépassé, au Sud, Banningville [Bandundu], sur le Kasaï.

Le contact de deux groupes linguistiques différents donna naissance au Monokotuba belge et cette nouvelle langue se perfectionna tres certainement lors de la construction du chemin de fer Matadi-Léopoldville [Kinshasa] entre 1880 et 1898 du fait de la participation d'éléments bangala, main-d'œuvre de tirailleurs principalement.

Quoi qu'il en soit, nier l'influence lingala en pays kikongo équivaudrait à nier l'Histoire.

On sait, en effet, que c'est par l'Est que les Belges ont d'abord pénétré en Afrique Equatoriale. Sur ce chemin traditionnel existait ce peuple des Bangala qui devait jouer un rôle capitale au point de vue linguistique.

Le chemin de l'Est était si bien établi dans le mœurs que le Révérend Reynolds, de la Baptist Mission Society empruntait encore en 1900 cet itinéraire alors que le chemin de fer Matadi-Léopoldville fonctionnait depuis deux ans déjà !

Ainsi, les enfants éduqués à Boma n'ont pas seulement contribué à créer un langage nouveau : ils l'ont bientôt diffusé dans un territoire immense ainsi délimité où l'on parle toujours ce Kikongo de l'Etat : Boma-Matadi-Thysville [Mbanza Ngungu]-Léopoldville, la rive sud du Kasaï, Kikwit, la rive nord-ouest de la Loanga, la frontière de l'Angola.

L'histoire du Monokotuba, telle qu'elle ressort des événements qui se sont passés au Congo Belge, gient confirmer ce que nous disaient les vieux Bangala du temps de Monseigneur Augouard, à savoir que le Monokotuba existait à leur arrivée et que son point de pénétration devait être Manyanga.

Or, Manyanga est un point de passage entre les deux rives du Congo.

Ces vieux Bangala nous disaient aussi qu'ils pensaient que le Monokotuba avait des racines des langues de l'Angola. Cette opinion correspondant assez bien à nos vérifications faites sur le dialecte Kisicongo. Ajoutons d'ailleurs que les premiers pasteurs protestants auchtones ont été formés en Angola.

Mais pourquoi le Monokotuba de Brazzaville diffère-t-il légèrement du Kikongo de l'Etat employé au Congo Belge?

D'une part, en ce qui concerne le Congo Belge, la langue auxiliaire a été primitivement formée à Boma, à la jonction du Kisicongo, du Kakongo et du Kikongo. D'autre part, en ce qui concerne l'A.E.F. la pénétration lingala en pays Lari est venue rejoindre, selon toutes probabilités, le courant Monokotuba remontant de ses origines vers le Moyen-Niari.

C'est pourquoi le LAri a pu influencer une langue encore très malléable et fournir cette version française que nous connaissons aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, les émissions radiophoniques organisées à Léopoldville en Kikongo de l'Etat sont parfaitement comprises de ce côté-ci du Pool par les usagers du Monokotuba.

Conclusion

Il n'est pas inutile, au point où nous sommes parvenus, de souligner que le Monokotuba, pas plus que le Lingala, n'est une langue artificielle. Cependant, par suite d'informations tendancieuses, beaucoup d'Africains croient encore que ces langues ont été formées soit par les missionnaires, soit par les Portugais !

Il n'en est rien !

Certes, des apports étrangers se sont introduits au fur et à mesure de l'importation d'objets fabriqués hors de l'A.E.F. C'est ainsi que nous avons les mots : SABUNI = savon ; SAPATU = chaussure, etc. Mais ce phénomène d'emprunt est universel ; il ne permet nullement de discréditer une langue.

Pour le rest, nous pouvons établir aved une certitude absolue que dans les langues auxiliaires spontanées : Monokotuba et Lingala, tous les mots sont des mots bantous existant à travers toute l'Afrique centrale et méridionale. Nous avons même decouvert l'origine Kiswahili du mot MADIDI = froid, venant de l'arabe Baridi, originellement Bord'.

Enfin, la simplification grammaticale des langues auxiliaires africaines caractérise une tendance déjà signalée en 1915 par José Lourenço Tavarès, au sujet du Kisolongo d'Angola. L'auteur fait état de ce que « l'on remarque à cette époque, dans les centres urbaines, des contractions et l'abandon des lois de concordance, la langue — ajoute-t-il — perdant certains éléments morphologiques pour en acquerir d'autres. »

Compte tenu des renseignements que nous avons obtenus au Congo Belge et considérent l'influence particulière qui s'est manifestée au Congo Français sur le Monokotuba, nous croyons pouvoir écrire que le vocabulaire présenté dans cet ouvrage, où nous avons pris le Lari comme référence, justifie notre pensée première et explique la forme d'un grand nombre de mots usités dans le Monokotuba du Congo Français.


Le Nom

Le nom ne possède pas de genre en Kituba¹. Il n'est précédé d'aucun article à proprement parler. En revanche, le nombre existe et le tableau ci-après indique les différentes classes de noms et les pluriels correspondants. Ces classes, auxquelles il est fait allusion, ne servent dans Kituba qu'a connaître la manière de former correctement les pluriels.

(1) Comme l'anglais lorsqu'il désire marquer spécialement le genre d'un nom, le Kituba font suivre ce nom de la désignation « mâle ou femelle ». Par exemple: chevre = kombo ya kento, bouc = kombo ya bakala.

Singulier Pluriel      Pluriel defective Exemples
(0) - (2) ba- kento = femme, bakento = femmes
(1) mu- (2) ba- muana = enfant, bana = enfants
(3) mu- (4) mi- bami- mundele = blanc (person), mindele ou bamindele = blancs
(5) di- (6) ma- diba = palmier, maba = palmiers
(7) ki- (8) bi- baki- kiti = chaise, biti ou bakiti = chaises
(11) lu- (9) n- balu- ludimi = langue, baludimi = langues
(12) ka- (13) tu- tubi- kapita = capitain, tupita ou bakapita = capitains
(14) bu-
(15) ku-

Particularite du pluriel «ba»

Dans kituba ba a un sens collectif qui traduit on. Il donne aussi un sens général au substantif: bangulu = le Sanglier. Enfin, les mots êtrangers prennent géneralement leur pluriel en ba. Ex. ba-chaussette (ou basoseti) = les chaussettes.

La préfixe nasale «N» ou «M»

La préfixe nasale N ou M tend à disparaître ou à n'être utilisée que sporadiquement. C'est ainsi que ntalu et nkento s'écrira parfois talu et kento.


L'Adjectif

L'adjectif suit généralement le nom auquel il est rattaché, ou le verb dont il est l'attribut:

kima¹ ya mbote² = une bonne² action¹
muana¹ ya ngolo² = un enfant¹ robuste²

Dans le langue auxiliaire spontanée étudiée ici, l'adjectif est rigoureusement invariable. Ce trait est caractéristique de toutes les langues bantoues détachées de leur rameau d'origine et les fait tenir pour des patois par les puristes.

Cependant, l'utilisation d'une préposition invariable devant un adjectif invariable constitue une simplification majeure du parler bantou et rend trés accessibles à tous les langues auxiliaires du Moyen-Congo (et Kituba et Lingala).

Comparaison de l'adjectif

A. Comparatif d'egalité

Ces1 enfants2 sont3 egalement4 grands5.
Bana2 yai1 kele3 nene5 mpila mosi4.

B. Comparatif de superiorité

L'homme1 est2 plus3 fort4 que3 la femme5.
Bakala1 kele2 ngolo4 luta3 kento5.
ou
Bakala1 luta3 kento5 na ngolo4.

C. Superlatif: très, le plus, etc.

Mingi = beaucoup

Un tout1 petit2 enfant3
Muana3 ya fioti2 mingi3

Luta = très; me luta = trop

Ma1 maison2 est3 très4 grande5.
Yinzo2 ya munu1 luta4 nene5.

Les adjectifs numéraux

Numéraux cardinaux

0 nkatu
1 mosi
2 zole
3 tatu
4 iya
5 tanu
6 sambanu
7 nsambuadi
8 nana
9 uvua
10 kumi
11 kumi na mosi (ou kumi ye mosi)
20 makumi zole
100 nkama
200 nkama zole
1000 funda
2000 mafunda zole

Adjectifs numéraux ordinaux

ya ntete = le premier
ya zole = le second
etc.


Les pronoms

Pronoms personnels sujets

Singulier Pluriel
je mu nous betu
tu nge vous beno
il, elle yandi, ya ils, elles bau, ba

Pronoms personnels complements

Singulier Pluriel
moi munu, mono nous betu
toi nge vous beno
il, elle yandi ils, elles bau

Je l'ai vue. = Mu talaka yandi.

Pour les êtres inanimés on emploie le pronom invariable yau.

Outre ce que nous avons déjà dit de ba au chapitre de la classification de noms, ajoutons que ba pourrait être appelé un pronom personnel et indéfini qui se compare malaisément aux règles de notre grammaire française. Exemple:

Autrefois1 nos2 parents3 (ils4) vivaient5 autrement6-7 (de façon6 autre7).
Ntama1 batata3 na betu2 ba4 vandaka5 mutindu6 ya nkaka7.

Pronoms démonstratifs

Ils sont invariables et se placent après le nom.

Objets rapprochés: ce, cet, ces, cettes = yai

Objets éloignés: ce, cet, ces, cettes = yina

Ce1 projet2 est3 absurde4.
Mabanza2 yai1 kele3 na ntina ve4.

Pronoms possessifs

Ils se forment en faisant précéder le pronom personnel complément de ya ou de na. Ils se placent devant le qualificatif, mais toujours après le nom, sauf dans de très rares exceptions.

Mon1 village2 est3 grand4.
Buala2 ya munu1 kele3 nene4.

Pronom relatif

Il n'existe pas dans Kituba. On le rend par démonstratif:

L'homme1 que2 vous3 voyez4 ici5.
Muntu1 yai2 beno3 kumona4 kuaku5.
(Littéralement: L'homme ceci vous voyez ici.)

J1'aime2 qui3 m4'aime5.
Mu1 zola2 yina3 zola5 munu4.
(Littéralement: J'aime celui aime moi.)

Pronoms et adjectifs indefinis

autre = ya nkaka
tout = nionso
quelqu'un = muntu mosi
seul = mosi
beaucoup = mingi
chaque (personne) = muntu na muntu
personne = muntu mosi ve
moi-même = munu mosi
aucun personne = muntu mosi ve
aucun chose = kima mosi ve

Tous1 nos2 amis3 sont4 partis5, aucun6 n7'a voulu8 rester9.
Bampangi3 ya betu2 nionso1 me kuenda4-5 ata mosi6 zola8 bikana9 ve8.


La Conjonction

Ti = que

Je1 te2 dis3 que4 mon5 seul6 plaisir7 est8 de faire9 peur10.
Munu1 tubila3 nge2 ti4 munu ke mona mbote5-6-7 samu na kutinisa.

Littéralement: Je te dis que je vois bien pour faire peur. (L'expression «voir bien» équivaut à «se bien porter» avoir du plaisir.)

Pe = et

Ils1 attaquent2 et3 prennent4 la ville5.
Ba1 me nuana2 pe3 ba me nzua4 buala5.


L'Interrogation

On peut employer le positif avec une inflexion convenable de la voix.

As-tu travaillé? = Nge salaka?

En kituba, le présent conjugué sans «ke» donne une forme interrogative:

Je viens? = Mu kuiza?

La particule interrogative

Nani = qui, quels, quel, etc?

Qui est cet homme? = Muntu nani?

Comment t'appeles-tu?
Nkumbu ya nge nani?
(Litt. Nom à toi comment?)

Le substantif employé avec la préposition ya devant une particule interrogative signifie «a qui?», «de qui?».

A qui est cette maison?
Yinzo ya nani?

Yinki = que, quoi, quels?

Qu'as-tu dit.
Yinki nge tubaka.

Que1 voulez2-vu3 avec4 cela5?
Beno3 zola2 yinki1 na4 yau5?

Qu1'a2-t-il3 fait4?
Yandi3 me2 sala4 yinki1?

Yikwa = combien?

Combien d'enfants? = Bana yikwa?

Samu na yinki = pourquoi?

Pourquoi1 pleurez2-vous3?
Samu na yinki1 nge3 kena kudila2?

Wapi = où?

Où etes-vous?
Wapi beno?

Où aboutit cette rue?
Litt: Où1 lieu2 arrive3 cette4 rue5?
Wapi1 ndambu2 nzila5 yai4 ke suka3?


L'affirmation

Il n'y aurait rien de spécial à dire sur l'affirmation (sinon qu'elle s'exprime par la phrase au positif), n'était que le geste mérite une description.

L'approbation ou l'accord de pensée se marque en effet bien davantage par l'attitude que par la parole. Le «oui» est réduit à une sorte de «Hein!» ou «E!» sans grande valeur, assez prolongé et fréquemment répété. C'est la gest qui affirme ou approuve. Le bras de l'interlocuteur et tout spécialement de l'interlocutrice s'allonge, la main se saisit de celle de celui ou celle qui parle et les paumes s'unissent pour finalement se refermer en une véritable poignée de mains.

Vas1-tu2 bien3? - Oui4, je5 vais6 bien7.
Nge2 ke1 mbote3? - E4, mu5 ke6 mbote7.

D'autre part, pour dire qu'une chose est vraie, on dit qu'elle n'est pas fausse. Ainsi, celui qui parle dira: «Luvunu?» (Faux?), à quoi l'on répondra: «Luvunu ve!» (Faux non!)

Voici maintenant un exemple classique de phrase où la réponse affirmative ressemble singulièrement au génie de la langue anglaise, qui consiste à répondre par le verbe ou l'auxiliaire:

Il n'y a pas de quoi se fâcher? - Si!
Litt. Aucune1 affaire2 pour3 se fâcher4 il5 n'6y7 a8? - Si9!
Mambu2 mosi1 ya3 kusilika4 kele5 7 8 ve6? - I kele9! (Il y a)


La négation

Ce que nous avons dit de l'affirmation traite déjà une partie de la négation, les deux domaines se révélant inséparables dans notre étude. Disons, plus précisément, que la particule négative «ve» se trouve toujours rejetée à la fin de la proposition. Quelques exemples illustreront cette règle.

Nous1 ne2 vivons3 jamais4 ( = pas), mais5 nous6 esperons7 de vivre8. (Pascal)
Betu1 ke vandaka2 ve2 4, kansi5 ke kubanza7 kuvanda na ntoto8 (litt. vivre sur terre).

Je1 n'2ai3 plus4 de pain5.
Munu1 kele na3 mampa5 diaka4 ve2.

La traduction de «ni...ni» est «ata...ata».

Ni1 l'or2, ni3 l'argent4 ne5 nous6 rendent7 importants8.
Ata1 wolo2, ata3 mbongo4 ke kuizisa7 betu6 bantu ya mfunu8 ve5.

Enfin, la négation peut s'exprimer par l'idée de dénégation, c'est-à-dire par le verb «nier» lui même.

Je vous dis non. = Je nie.
Mu ke manga.

Je1 nie2 que3 ...
Mu1 ke manga2 ti3 ...


Les verbes

L'infinitif

Généralités

L'infinitif du verbe prend toujours préfixe «ku» en monokotuba. Toutefois, certains verbes que nous appelerons «défectifs» (voir plus loin) font exception à cette règle. Il en est de même des verbes «être» et «avoir».

Emplois de l'infinitif

1° L'infinitif traduit parfois des expressions impersonnelles et remplace «on» français:

On mange accroupi. = Manger1 accroupi2.
Kudia1 na kufukama2.

La verbe «accroupi» est rendu par l'infinitif grâce à l'emploi de la préposition «na». Remarquons que semblable phrase, en anglais, exigerait la traduction de «accroupi» par un nom veral. (To eat crunching.)

2° L'infinitif traduit aussi, le cas échéant, l'imperatif français:

(N')1 accuse2 personne3.
Kufunda2 muntu3 ve1.

3° L'infinitif traduit également des substantifs:

Un achat onéreux = Acheter1 cher2
Kusumba1 ya ntalu2

La proposition infinitive

Elle est introduite par «pour» (samu na) suivi de l'infinitif:

J'1 évite2 soigneusement3 de4 rencontrer5 cette6 personne7.
Mu1 ke kima2 na mayela3 samu na4 kukutana5 na muntu7 yai6.

Travailler1 pour2 le profit3 et4 pour5 la gloire6.
Kusala1 samu na2 kubaka kima3 pe4 samu na5 lukumu6.
(Kubaka kima = prendre quelque chose)

Conjugaison de «être»

Présent

Munu kele Betu kele
Nge kele Beno kele
Yandi kele Bau kele

Je1 suis2 ici3.
Munu1 kele2 kuaku3.

Forme progressive ou d'habitude

Mu ke vandaka Betu ke vandaka
Nge ke vandaka Beno ke vandaka
Yandi ke vandaka Bau ke vandaka

N.B. On peut aussi employer la forme abrégée «mu ke» (en supprimant vandaka), etc.

Je1 suis2 en3 brousse4. (J'y habite en permanence.)
Mu1 ke (vandaka)2 na3 zamba4.

Je1 suis2 intelligent3 (qualité habituelle).
Mu1 ke (vandaka)2 mayele3.

Futur

Mu ke vanda Betu ke vanda
Nge ke vanda Beno ke vanda
Yandi ke vanda Bau ke vanda

Je1 serai2 bon3.
Mu1 ke vanda2 mbote3.

Passé

Mu me vandaka Betu me vandaka
Nge me vandaka Beno me vandaka
Yandi me vandaka Bau me vandaka

N.B. On peut supprimer «me» à toutes les personnes.

J'1 etais2 au3 marché4.
Mu1 (me) vandaka2 na3 zandu4.

Imperatif

Sois! = Vanda!
Soyons! = Betu vanda!
Soyez! = Beno vanda!

Le verbe «avoir»

Le verbe «avoir» se traduit par le verbe «être» suivi de «na» et se conjugue exactement de la même manière.

J1'ai2 un chien3 et4 un chat5.
Munu1 kele na2 yimbua3 na4 niau5.

Traductions particulières du verbe «avoir»

On emploie, outre les formes décrites ci-dessus et dans le sens de l'anglais «to get» (obtenir, gagner, recevoir, etc.), le verbe: (n)zua/dzua/dzoa.

J1'ai eu2 de l'argent3.
Mu1 me nzua2 mbongo3.

J1'ai retrouve2 l'3argent4 (que) j5'avais perdu6.
Mu1 me nzua2 mbongo4 ya munu yina3 mu5 me losaka6.

J'1ai trouve2 beaucoup3 de choses4 au5 marché6.
Mu1 me nzua2 bima4 mingi3 na5 zandu6.

La forme impersonnelle

1° La traduction peut être directe:

Il y a1 des enfants2
Bana2 kele1

Il y avait1 des blancs2
Ba mindele2 vandaka1

2° La phrase peut être traduire par une inversion.

Il est honteux de mentir. =
Mentir1 est2 honteux3.
Kukosa1 kele2 nsoni3.

Il en sortait une fumée noire. =
Une fumée1 noire2 sortait3 de4 l'interieur5.
Mulinga1 ya ndombe2 vandaka basika3 na4 kati5.

Il a plu. =
La pluie1 tomba2.
Mvula1 me bulaka2.

Il n'y a pas de conversation possible avec toi. =
Conversation1 il y a2 pas3, toi4 et5 moi6.
Mambu ya kutuba1 kele2 ve3, munu6 na5 nge4.

La forme passive

C'est une construction dans laquelle ke sujet subit l'action. Nous employons en français le pronom indéfini «on» plutôt que la forme passive, par ailleurs bien connue en anglais et en allemand notamment. Lorsque nous disons: «On a sonné la cloche», cela équivaut à: «La cloche est sonnée».

La cloche1 (est) sonnée2.
Ngunga1 me bula2.

La cause1 de2 ce3 bruit4 est connue5.
Ntina1 ya2 makelele4 yai3 me zabana5.

La forme infixée -am- des verbes, suivie elle-même du infixe convenable du temps passé choisi pour conjugaison, traduit aussi la forme passive. Soit le verb «buta» (naître). «Butama» (but-am-a) indique que l'action de naître est subie par le sujet. Si l'on ajoute pat exemple le infixe -ak- (marque du passé) on obtient «butamaka» (but-am-ak-a) soit «est né».

Victor Hugo1 est né2 en3 18024.
Victor Hugo1 me butamaka2 na3 18024.

La ville1 fut prisé2 par3 la ruse4.
Buala1 me kangamaka2 na3 mayela4.


Conjugaison des autres verbes

Nous avons examiné les verbes être et avoir qui peuvent être considérés comme des verbes irréguliers. Tous les autres verbs, mis à part les verbs défectifs, sont réguliers et leur conjugaison n'appelle aucun commentaire.

kusala = faire, travailler

Present et futur

Mu ke sala. Betu ke sala.
Nge ke sala. Beno ke sala.
Yandi ke sala. Bau ke sala.

Nous1 travaillons (ou) travaillerons2 a3 la maison4.
Betu1 ke sala2 na3 yinzo4.

Present d'habitude ou progressif

Mu ke salaka. Betu ke salaka.
Nge ke salaka. Beno ke salaka.
Yandi ke salaka. Bau ke salaka.

Je1 travaille2 (habituellement) chez3 Yoro4.
Mu1 ke salaka2 na3 Yoro4.

Il1 travaille2 tous3 le jours4.
Yandi1 ke salaka2 bilumbu4 nionso3.

Passé d'habitude ou progressif

Mu vandaka kusala. Betu vandaka kusala.
Nge vandaka kusala. Beno vandaka kusala.
Yandi vandaka kusala. Bau vandaka kusala.

N.B. On retrouve ici l'auxiliaire «être» du passé, conjugué avec le verbe «travailler» pris comme exemple.

J1'etais2 accoutumé3 a4 travailler5.
Mu1 vandaka2 3 ku4sala5.

J1'ai2 travaillé3 toute4 la semaine5 (comme d'habitude).
Mu1 vandaka2 kusala3 mposo5 nionso4.

Passé défini

Mu salaka. Betu salaka.
Nge salaka. Beno salaka.
Yandi salaka. Bau salaka.

Hier1 j2'ai3 travaillé4.
Mazono1 mu2 salaka3 4.

Quand1 j'2 etais3 jeune4, je5 travaillais6.
Ntangu1 mu2 vandaka3 muana4, mu4 salaka5.

Passé raproche défini

Mu me sala. Betu me sala.
Nge me sala. Beno me sala.
Yandi me sala. Bau me sala.

J1'ai2 travaillé3 le champ4 ce5 matin6.
Mu1 me sala2 3 makuba4 na5 suka6.

Il1 a2 faite3 (bâti) sa4 maison5 aujourd'hui6.
Yandi1 me sala2 3 yinzo5 na yandi4 bubu yai6.

Passé absolu indéfini

Mu me salaka. Betu me salaka.
Nge me salaka. Beno me salaka.
Yandi me salaka. Bau me salaka.

J1'ai2 travaillé3 un4 jour5.
Mu1 me salaka2 3 lumbu5 mosi4.

La pluie1 a gâte2 les récoltes3.
Mvula1 me bebisaka2 makuba3.

Ce qui signifie qu'étant au passé absolu indéfini, il s'agit ici d'un événementt qui se situe hors de toute mesure de temps et qui n'est pas récent. C'est une forme d'évocation d'un souvenir ou la relation d'un fait non immédiat.

N.B. Il arrive fréquemment dans la pratique, que la différenciation des diverses formes du passé exige un adverbe de temps approprié.


L'adverbe

Adverbes de manière et de qualité

Comment? Yinki?
Vite! Malu! Malu-malu!
comme, de même mpila mosi, mutindu mosi
doucement malembe
fortement ngolo
ainsi kaka mpila yina
mal yimbi
vainement mpamba
seulement, uniquement kaka
en desordre kilikili, kidikidi
souvent mbala mingi
ensemble mulongo, nionso

Je1 vous2 considére3 comme4 mon5 meilleur6 ami7.
Mu1 ke baka3 nge2 mutindu4 mpangi7 ya munu5 ya nene6.

Adverbes de lieu

par terre na ntoto
en bas, dessous na yinsi
dessus, en haut na zulu
loin ntama
pres pene-pene
devant, en face na ntuala, na mantuala
derrière na nima, na manima
de, sur le côte na ndambu
dans, dedans, au milieu na kati
ici kuaku
là, là-bas kuna
de ce côte-ci ndambu yai
de ce côte-là ndambu yina
wapi ndambu
en dehors na nganda
partout ndambu nionso
autour ndambu nionso

Adverbes de temps

au matin na suka
de bon matin na suka nionso
au 1er chant du coq na nsusu ya ntete
de jour na ntangu
à midi na midi, na ntangu
après-midi na nkokila
de nuit na mpimpa
toute la nuit mpimpa nionso
à minuit na kati ya mpimpa
aujourd'hui bubu yai
hier mazono
demain mbazi
après-demain mbazi-mbazi
avant-hier mazuzi
maintenant ntangu yai
auparavant na ntete
autrefois ntama
toujours ntangu nionso
pour toujours seko
souvent mbala na mbala
ensuite na manima
quand? wapi ntangu?, ntangu yinki?
encore, d'abord nenu

Adverbes de qualité

beaucoup mingi
peu mua, fioti
combien? yikua
encore, davantage ya nkaka
environ mua
de plus na zulu

Adverbes d'affirmation et de négation

oui e
non ve
certainement, vrai tsieleka, kieleka
pas, ne pas ve
pas encore ntete ve
pas du tout kima ve

Je1 n'2ai3 de pain4 que5 pour6 le petit déjeuner7.
Munu1 kele3 kaka na2 mampa4 ya5 kudia na suka6.


La préposition

à, dans, de, vers, sur, chez na
avec, selon na
de (génitif) ya
jusqu'à, à te, te na, te kuna
depuis...jusqu'à, de...à katuka...te, tuka...te
entre, au milieu de na kati ya, na katikati ya
sans na...ve
pour samu, samu na
rien que kaka
excepte kaka...ve

Entre les années 1852 et 1871
Litt. Entre1 les années2 de3 18524 jusqu'à5 18716
na kati ya1 bamvula2 ya3 18524 te5 18716

Le temps1 agit2 pour3 nous4
Ntangu1 ke sala2 samu na3 betu4

Le temps agit contre nous
Litt. Le temps1 travaille2 mal3 pour4 nous5
Ntangu1 ke sala2 yimbi3 samu na4 betu5


Lexique des termes usuels du langage

Comment allez-vous? Nge kele mbote?
Que dites-vous? Nge tuba yinki?
Comment appelle-t-on cela en... Wapi mutindu ba ke bokila yau na...
Savez-vous parler français? Nge zaba tuba kifalanse?
Je ne sais pas. Mu zaba ve.
Que voulez-vous? Nge zola yinki?
Croyez-vous qu'il pleuvra ajourd'hui? Nge banza mvula ke noka bubu yai?
Qui vous a dit cela? Nani me tubila nge yau?
Parlez moins fort! Tuba malembe!
Attends un peu, je vais te dire quelque chose. Vingila fioti, mu ke tubila nge mambu.
Je ne peux pas le faire maintenant. Munu lenda kusala yau ntangu yai ve.
Conduis-nous à la rivière. Nata betu na maza/mubu.
Ecoute-moi un instant. Kuwa munu fioti.
Quel âge est-tu? Nge ke na mvula yikua?
J'ai 17 ans. Mu ke na mvula kumi na nsambuadi.
Je ne comprends pas ce qu'ils disent. Mu ke kuwa mambu ba ke tuba ve.
Ce fruit, est-il comestible? Mbuma yai, ba ke kudiaka yau?
D'où cet objet vient-il? Wapi ndambu kima yai katuka?
Traduisez ces paroles! Balula mambu yai!
Nous allons commencer notre travail. Betu ke bantika kisalu ya betu.
Est-ce que tu es presse de partir? Nge zola kuenda malu-malu?
Quel est le chemin pour aller à...? Wapi nzila ya kukuenda na...?
Prenez ce chemin pour aller au village. Beno baka nzila yai samu na kukuenda na buala.
Tournez à droite après la dernière case. Beno baluka na maboko ya bakala ntangu beno ke kuma na yinzo ya manima.
Combien demandez-tu d'argent pour cet objet/ce travail? Mbongo yikua nge zola samu na kima/kisalu yai?
C'est trop cher, diminue le prix. Ntalu me luta, katula mbongo fioti.
Combien vends-tu ce panier de fruits? Yikua nge ke tekisa kitunga ya bambuma yai?
Cette case est-elle à vendre? Yinzo yai kele ya kutekisa?
J'ai pense que tu voulais me tromper. Munu banzaka ti nge zolaka kosa munu.
Je n'aime pas cette façon de proceder. Munu zola mutindu yina ve.
Quelles nouvelles? Yinki nsangu?
Pas de nouvelles. Nsangu ve.
Comment (vas-tu)? Yinki mpila?/Wapi faso?
Je vais bien. Mu ke mbote.